L’avortement, un droit fragile, même en France

L’interruption volontaire de grossesse, c’est quelque chose qui a toujours existé (et qui existera toujours). Mais sa légalité n’a été que très récemment reconnue et garantie, notamment en France.

La dépénalisation tardive de l’IVG en France

Après la Première Guerre Mondiale, le gouvernement français s’était donné pour mission d’encourager la croissance démographique pour compenser les pertes humaines subies pendant la guerre. Dans ce contexte de politique nataliste, l’avortement est devenu un crime par le biais de la loi du 31 juillet 1920. Celle loi réprimait la provocation à l’IVG et la propagande anticonceptionnelle. L’IVG était donc passible de sanctions pénales, pour les personnes qui y avaient recours et celles qui le pratiquaient.

Il faudra attendre 55 ans pour que le gouvernement reconsidère la question.

Après plusieurs manifestations féministes et des débats houleux à l’Assemblée nationale et au Sénat, la loi Veil autorisant l’interruption volontaire de grossesse est finalement adoptée le 17 janvier 1975. Portée par Simone Veil, alors ministre de la santé, cette loi autorise l’IVG sur demande à un médecin. Mais seulement si celle-ci est pratiquée avant la fin de la 10e semaine de grossesse et si la femme enceinte se trouve dans une situation de détresse. Au début mise en place à titre expérimental, cette loi est finalement reconduite et devient définitive en 1979.

D’autres lois ont été par la suite adoptées afin d’enrichir les conditions d’accès à l’IVG.

Ce que garantit la loi française sur l’IVG aujourd’hui

  • Seule la personne concernée peut faire la demande d’IVG.
  • Il n’existe plus aucune condition de « détresse » pour avoir recours à une IVG.
  • Une personne mineure n’a pas besoin d’une autorisation parentale pour avorter. Cependant, elle doit être accompagnée d’une personne majeure de son choix.
  • Il est possible de bénéficier de l’anonymat total.
  • Les IVG sont prises en charge à 100% par l’Assurance maladie.
  • Les sages-femmes sont autorisée à pratiquer des IVG médicamenteuses. Celles exerçant dans des établissements de santé peuvent, à titre expérimental, réaliser des IVG instrumentales.
  • L’IVG instrumentale peut être pratiquée jusqu’à la fin de la 14e semaine de grossesse. L’IVG médicamenteuse jusqu’à la fin de la 7e semaine de grossesse.
  • Il n’y a pas de délai légal de réflexion entre la première consultation et le recueil de consentement (qui peut avoir lieu en même temps).
  • Il n’est pas nécessaire d’avoir la nationalité française pour avorter en France. 

L’inscription de l’IVG dans la Constitution ne change rien concrètement

Le mercredi 28 février 2024, l’inscription de l’IVG dans la Constitution a été votée puis approuvée par les parlementaires le 4 mars.

Après le dix-septième alinéa de l’article 34 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ».

Constitutionaliser ce texte lui confère un statut juridique particulièrement solide et contraignant par rapport à un simple texte de loi. Cependant, quand on y regarde de plus près, on se rend compte que ce texte n’est malheureusement qu’un symbole.

Article 34 vs Article Premier

En étant placée dans l’article 34, cette disposition est intégrée dans la section de la Constitution qui traite des compétences législatives du Parlement. C’est donc ce dernier qui a le pouvoir de réglementer cette question par le biais de lois ordinaires. Cela signifie que bien que la liberté d’accès à l’IVG soit protégée par la Constitution, les détails spécifiques de sa mise en œuvre (délais légaux, conditions médicales, etc.) restent du ressort du Parlement.

Si cette disposition avait été insérée dans l’article 1er de la Constitution française, la liberté d’avoir recours à l’IVG aurait été considérée comme un principe fondamental de la République. Cela l’aurait placée au plus haut niveau de la hiérarchie des normes juridiques comme la liberté, l’égalité et la fraternité. Cet ajout aurait renforcé la protection constitutionnelle de cette liberté, invalidant toute loi ou décision qui irait à l’encontre de ce principe fondamental.

Le choix des mots

Le gouvernement français a renoncé à inscrire « le droit à l’IVG » pour lui préférer « la liberté aux femmes de recourir à l’IVG ». Deux expressions qui se ressemblent mais qui sont en fait très différentes.

  • En parlant seulement de liberté, l’État français se décharge de toute responsabilité puisqu’il n’a aucune obligation de garantir l’accès à l’IVG. Cela veut dire qu’à tout moment, l’IVG pourrait ne plus être remboursé ou encore que les délais pourraient être raccourcis. Sans oublier que l’IVG, bien que légal, est parfois déjà difficile d’accès à cause des déserts médicaux, de la fermeture des plannings familiaux et de la double clause de conscience des médecins.

  • Parler de « femme » plutôt que d' »individu » induit que l’identité d’une femme est liée à sa capacité reproductive. En plus d’être essentialisant, le fait d’avoir choisi le terme « femme » plutôt que « individu » est aussi transphobe. Selon le Conseil d’État, « femme » doit être compris comme « toute personne ayant débuté une grossesse, sans considération tenant à l’état civil ». Si un homme trans peut donc avoir recours à l’IVG, c’est parce qu’il est légalement catégorisé comme femme.

L’accès à l’IVG toujours plus menacé

De nombreuses personnes étaient contre l’inscription de l’IVG dans la Constitution, sous prétexte que celle-ci ne serait pas mise en péril. Pourtant, depuis plusieurs années, nous assistons à un véritable recul de cette liberté dans le monde entier.

L’évènement marquant de ces dernières années est sans doute l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade en juin 2022 par la Cour Suprême des États-Unis. Cette décision a en effet permis à de nombreux états d’interdire comme ils le souhaitaient l’avortement. Quatorze d’entre eux ont depuis criminalisé cette pratique.

Mais pas besoin d’aller à l’autre bout du monde pour constater que le droit à l’IVG est menacé.

En 2020, la Pologne a durci sa législation sur l’IVG en l’interdisant en cas de malformation du fœtus. Désormais, l’IVG n’est légale qu’en cas de danger existant pour la personne enceinte et en cas de viol ou d’inceste.

En Italie, depuis l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir, de nombreuses propositions de loi anti IVG ont été faites et les associations anti avortement font plus que jamais pression.

Tant qu’il subsistera de la mésinformation et de la désinformation, il y aura toujours des individus cherchant à restreindre nos droits. C’est pourquoi, j’ai décidé d’écrire cet article et de vous parler des nombreux arguments anti-avortement qui circulent et que l’on peut contrer, preuves à l’appui !

Je débunke 13 arguments anti-avortement

contre arguments anti ivg
  1. L’IVG, c’est un meurtre
  2. Il faut se protéger si on ne veut pas d’enfant
  3. Il y a trop d’avortements de confort
  4. L’avortement est traumatisant (syndrome post abortif)
  5. L’IVG cause de l’infertilité
  6. L’avortement est dangereux pour la santé
  7. L’avortement a des conséquences démographiques
  8. Les personnes qui ont recours à l’IVG regrettent forcément leur choix
  9. Les femmes sont irresponsables
  10. Plein d’associations proposent des aides financières pour élever un enfant
  11. Il vaut mieux privilégier l’adoption plutôt que d’avorter
  12. Des hommes se suicident car leur partenaire a avorté
  13. Le serment d’Hippocrate interdit l’avortement

1. L’IVG, c’est un meurtre

C’est sans doute l’argument phare des militants anti-avortement qui considèrent la conception comme le départ de la vie humaine. Un meurtre implique bien de causer la mort d’un être vivant. Mais, qu’est-ce qui définit un être vivant ? Et qu’est-ce que la mort ?

Définir la vie et la mort

Du point de vue biologique, un être vivant de l’espèce (Homo sapiens) se caractérise par des fonctions vitales. Celles-ci incluent la respiration, la circulation sanguine, la nutrition et digestion, l’excrétion, la capacité à répondre aux stimuli, la croissance et le développement, ainsi que la reproduction. Bref, tout ce qui assure la survie et le fonctionnement normal de l’organisme humain. D’innombrables travaux scientifiques ont contribué à prouver cette définition, aussi bien dans le domaine de la biologie cellulaire et moléculaire que dans celui de la physiologie ou encore celui des neurosciences.

D’un point de vue philosophique, on considère que c’est la capacité à raisonner, à avoir conscience de soi, à ressentir des émotions, des sensations et des expériences subjectives qui définissent un être humain.

La célèbre phrase de Descartes « Cogito, ergo sum » (« Je pense, donc je suis ») dans ses Méditations métaphysiques souligne l’importance de la pensée rationnelle et de la conscience de soi dans la définition de l’existence humaine. Bien que la définition de l’être humain soit complexe, de nombreux autres philosophes ont soutenu ces caractéristiques cognitives et émotionnelles au fil des siècles. Ce fut le cas de John Locke, David Hume, Emmanuel Kant, Jean-Paul Sartre, Maurice Merleau-Ponty, Judith Butler ou encore Simone Weil.

Pour ce qui est de la mort, il s’agit d’un évènement ou d’un processus au cours duquel un être vivant cesse de fonctionner biologiquement et perd irréversiblement toutes les fonctions vitales nécessaires à la vie dont les principales sont la respiration, la circulation sanguine (qui fait battre le cœur) et l’activité cérébrale.

La loi française stipule que la mort est déclarée lorsqu’un individu présente soit un arrêt cardiaque irréversible, soit une cessation irréversible de toute activité cérébrale. Cependant, avec les avancées médicales, l’arrêt cardiaque seul est devenu insuffisant pour déclarer le décès. En pratique cette déclaration est souvent basée sur une combinaison des deux critères.

Un fœtus est-il un être vivant ?

En toute logique, pour qu’il y ait meurtre, il faut qu’il y ait la mort. Pour qu’il y ait la mort, il faut qu’il y ait la vie. Et pour vivre, il faut des fonctions vitales.

Or, les recherches démontrent qu’à 14 semaines de grossesse (délai maximum légal pour pratiquer une IVG), le fœtus n’est pas capable de respirer de manière autonome, son système nerveux central est encore en développement et son système immunitaire est immature. Par conséquent, les chances de survie d’un fœtus de 14 semaines de grossesse en dehors de l’utérus sont quasi nulles.

Selon les études cliniques, les revues de littérature et les recommandations des organisations professionnelles de santé telles que l’OMS, la viabilité du fœtus est fixée à 20 semaines de grossesse (22 semaines d’aménorrhée).

À 14 semaines de grossesse, on ne peut pas considérer un fœtus comme un être vivant, mais comme un être qui progresse vers la vie autonome dont le début sera marqué par sa naissance (en sortant de l’utérus et en entrant dans le monde extérieur). Tant qu’il ne naît pas, il ne peut mourir et donc encore moins subir un meurtre.

De plus, certaines études utilisant des techniques d’électroencéphalographie (EEG) ou d’imagerie cérébrale suggèrent que la perception consciente de la douleur ne se produit que vers la fin du deuxième trimestre de grossesse*. D’autres sous-entendent que les expériences conscientes de la douleur ne se produisent que plus tard au cours du troisième trimestre.

* Lee SJ, Ralston HJP, Drey EA, Partridge JC, Rosen MA. Fetal Pain: A Systematic Multidisciplinary Review of the EvidenceJAMA. 2005 / David J. Mellor, Tamara J. Diesch, Alistair J. Gunn, Laura Bennet, The importance of ‘awareness’ for understanding fetal pain, Brain Research Reviews, Volume 49, Issue 3, 2005 / Royal College of Obstetricians and Gynaecologists, Fetal Awareness Evidence Review (2022)

Le délai maximum légal pour pratiquer une IVG en France étant, je le rappelle, de 14 semaines de gestation, tout risque de perception de la douleur par le fœtus peut donc être écarté. Par ailleurs, d’après les données de la DREES, les interruptions volontaires de grossesse effectuées en France en 2022 entre la 12e et la fin de la 14e semaine de grossesse représentaient moins de 1,5 % de toutes les IVG réalisées.

2. Il faut se protéger si on ne veut pas d’enfant

L’enquête COCON (Cohorte Contraception) de 2000-2004 réalisée avec le soutien de l’INSERM, l’INED et le laboratoire Wyeth-Lederlé montre que 2 fois sur 3, les femmes ayant eu recours à une IVG était sous contraception. Et qu’une fois sur deux, il s’agissait d’un contraceptif médical (théoriquement d’une grande efficacité).

Un fait corroboré en 2009 par l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) dont le rapport révélait que 72% des femmes ayant eu recours à une IVG utilisaient un moyen de contraception et que dans 42% des cas, la méthode utilisée était médicale.

Les obstacles à la contraception

Il est important de noter que nous ne sommes pas toustes à égalité en termes de contraception (éducation à la santé sexuelle, manque d’informations sur les dispositifs disponibles, précarité, etc.).

De plus, la contraception n’est jamais fiable à 100% ! Les échecs surviennent souvent lorsque la méthode employée ne correspond pas au mode de vie de la personne en charge de la contraception. Rappelons d’ailleurs que cette charge contraceptive est majoritairement imputée aux femmes (dans un couple cis-hétéro).

Notons également que de plus en plus de personnes aimeraient se tourner vers des contraceptions définitives après avoir eu un ou plusieurs enfants ou parce qu’il n’y a pas de volonté d’enfanter et se heurtent à un refus médical. Un refus les conduisant à utiliser des contraceptifs contre leur volonté, les contraignant à prendre le risque d’une grossesse non désirée.

Enfin, n’oublions pas les cas d’agressions sexuelles que subissent de nombreuses personnes. Selon une enquête de NousToutes en 2020, 1 femme sur 3 déclare qu’un partenaire lui a déjà imposé un rapport sexuel non protégé malgré son désaccord. Et 1 femme sur 10 déclare avoir été victime de stealthing (retrait non consenti du préservatif avant la fin du rapport).

3. Il y a trop d’avortements de confort

Les personnes qui utilisent l’expression « avortement de confort » suggèrent que les personnes ayant recours à une IVG le font par commodité, tel un caprice.

En réalité, avoir recours à une IVG est loin d’être une décision qu’on prend à la légère. Généralement ce choix est le résultat d’une réflexion sérieuse où de nombreux paramètres sont pris en compte. Loin d’être un comportement « égoïste », choisir d’avorter montre au contraire un véritable sens des responsabilités.

Reconnaître ses limites (émotionnelles, mentales, physiques, financières…), c’est faire preuve de bon sens quand on sait à quel point il est essentiel d’accueillir un enfant (qui n’a pas demandé à naître) dans les meilleures conditions possibles.

De plus, parler d’avortement de « confort » c’est mal connaître la procédure d’une interruption volontaire de grossesse. Une grossesse non désirée peut causer un véritable stress émotionnel pour de multiples raisons. S’en suit alors un véritable combat contre la montre pour pouvoir avoir recours à une IVG (prise de sang, échographie, rendez-vous médicaux, choix de la procédure, etc.). L’intervention peut ensuite causer pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines des symptômes désagréables tels que des crampes abdominales, des saignements abondants et d’autres effets secondaires liés à l’anesthésie ou aux médicaments utilisés.

Même si l’acte en lui-même n’est pas forcément traumatisant ou douloureux, je ne connais pas une seule personne qui trouverait cela confortable.

iconecoeurMon IVG médicamenteuse (témoignage)

4. L’avortement est traumatisant (syndrome post abortif)

Un des arguments anti-IVG qui revient le plus est l’existence d’un syndrome post avortement évoqué pour la première fois dans les années 1980. Celui-ci consisterait à éprouver des problèmes de santé mentale à long terme, tels que la dépression, l’anxiété, ou des troubles de stress post-traumatique.

Or, le syndrome post abortif n’existe pas et de nombreuses études scientifiques l’ont démontré au fil des années. C’est d’ailleurs pourquoi on ne le retrouve pas dans les manuels de référence et de diagnostic utilisés par les professionnels de la santé mentale dont les deux plus connus sont le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) publié par l’American Psychiatric Association et la Classification internationale des maladies (CIM) publiée par l’OMS.

Je vous invite d’ailleurs à lire le rapport du Dr Laurence Esterle, Le traumatisme post-IVG, une réalité scientifique ? Revue de la littérature, dans lequel elle affirme que les études faisant un lien entre l’IVG et les problèmes de santé mentale ne sont pas intellectuellement honnêtes à cause de leur méthodologie. Selon elle, de nombreuses données précises manquent, ce qui conduit forcément à une mauvaise interprétation des résultats. Pour ce faire, elle s’est appuyé sur la revue exhaustive et critique de la littérature scientifique réalisée sur le sujet par l’Academy britannique of Medical Royal Colleges en 2011 et sur les publications des dernières années.

La majorité des études reconnues comme étant pertinentes s’accordent donc à dire qu’il n’y a pas de différence significative en termes de problèmes de santé mentale entre les personnes ayant avorté et celles qui ont mené leur grossesse à terme. S’il existe bien des facteurs de risque chez les femmes qui ont eu recours à une IVG, ceux-ci sont majoritairement liés à des antécédents de viol et de violence physique et/ou une préexistence de troubles mentaux.

Ce sont ces facteurs que les militants pro-vie (pro-life) oublient systématiquement de préciser pour avancer l’argument du « syndrome post avortement ». C’est notamment le cas de l’auteur Coleman, dont les convictions sont nettement opposées à l’avortement. Coleman a en effet produit un nombre considérable d’études affirmant les effets négatifs de l’IVG. Des études qui, heureusement, ont été contestées à maintes reprises par la communauté scientifique.

Il ne faut pas oublier que les réactions émotionnelles à la suite d’un avortement peuvent varier d’une personne à l’autre et peuvent être influencées par de nombreux éléments. Mais globalement, c’est souvent la procédure d’IVG qui a un impact psychologique (stigmatisation, pression sociale et familiale, manque de soutien, absence de bienveillance de la part des professionnels de santé, etc.). De plus, il a été prouvé que la grossesse était un facteur de stress plus important que l’IVG en lui-même.

5. L’IVG cause de l’infertilité

L’Interruption Volontaire de Grossesse en France est une procédure médicale garantissant des normes strictes en matière d’hygiène et de sécurité.

À partir du moment où un avortement est réalisé dans des conditions appropriées et par des professionnels de santé qualifiés, il y a très peu de risques que celui-ci impacte la fertilité.

De nombreuses études ont révélé que l’IVG ne causait généralement pas de dégâts permanents sur les organes reproducteurs et qu’il était possible d’ovuler le mois suivant l’avortement. Lorsque la stérilité a été constatée, elle n’était pas liée directement à l’IVG mais le plus souvent à des problèmes médicaux préexistants.

« Toutes les études qui ont évalué le risque d’infertilité ultérieure suggèrent qu’il n’y a pas d’augmentation du risque dans le pays où l’IVG est légale. » Prise en charge de l’interruption volontaire de grossesse jusqu’à 14 semaines / Haute Autorité de santé (ANAES) / Service des recommandations et références professionnelles / Mars 2001 / Modifications en décembre 2010

Un rapport du Collège national des gynécologues et obstétriciens français paru en 2016 confirme également ces résultats.

6. L’avortement est dangereux pour la santé

Sur la base des dernières données scientifiques, l’OMS publiait en 2021 des lignes directrices sur l’avortement en rappelant que le risque de décès est principalement dû aux mauvaises conditions de pratique de l’IVG. Par mauvaises conditions, il faut comprendre le manque d’accès à des services d’avortement sécurisés et légaux, obligeant les femmes à recourir à des avortements clandestins effectués dans des environnements non médicalisés et non sécurisés. Cela inclut aussi l’absence de suivi médical adéquat, le manque d’information, le stigmate social et les restrictions légales qui peuvent augmenter les risques pour la santé.

Bien qu’il soit difficile d’avoir des chiffres précis et fiables, les différentes études sur le sujet montrent clairement que le risque de décès et d’hospitalisations dues à des complications augmente en cas d’avortement non sécurisé.

Si des millions de personnes dans le monde ne peuvent pas accéder à un avortement sécurisé, c’est surtout à cause des restrictions ou de la criminalisation de l’IVG dans les pays concernés. N’oublions pas que l’accès à l’avortement est restreint ou illégal dans au moins une trentaine de pays.

L’avortement est une procédure qui comporte des risques, c’est vrai. Mais, en ce qui concerne les IVG médicalisées, les risques ne sont pas plus importants que pour n’importe quelle autre procédure médicale.

En France, où l’avortement est dispensé par des professionnels de santé qualifiés, dans des établissements de santé agréés et conformes aux normes médicales internationales, le risque de complications graves est extrêmement faible (moins de 1% pour les avortements pratiqués légalement et en toute sécurité).

De plus, les risques de complications d’un avortement médicalisé demeurent nettement inférieurs à ceux rencontrés lors d’un accouchement, même s’ils sont similaires (hémorragie, déchirure, infection, réaction allergique, etc.)*.

*Une étude menée par l’INED estime un décès pour 100 000 avortements pratiqués légalement en France. L’OMS et l’INSERM estiment un taux d’environ 8 décès maternels pour 100 000 grossesses menées à terme aboutissant à la naissance d’un bébé en vie.

7. L’avortement a des conséquences démographiques

Lors d’une conférence de presse le 16 janvier 2024, Emmanuel Macron évoquait la nécessité d’un « réarmement démographique » pour contrer la baisse de fécondité. Un discours à connotations nationalistes et eugénistes qui n’est pas sans rappeler ceux de l’extrême-droite.

Faire un lien direct entre la baisse démographique et la baisse de fécondité, c’est exercer une pression sociale sur les personnes en capacité de faire des enfants pour qu’elles se conforment à ce rôle. Cela peut conduire à des politiques qui visent à accroître la fécondité sans prendre en compte les droits reproductifs : restrictions de l’accès à la contraception et à l’avortement notamment.

De plus, ce type de discours vise généralement les femmes blanches cis hétéro, ce qui peut mener à des politiques et des attitudes qui favorisent la préférence ethnique ou culturelle, alimentant ainsi le racisme et la discrimination.

Il est très inquiétant de faire peser les tendances démographiques uniquement sur la fécondité. Et présenter l’avortement comme étant la principale cause de la baisse démographique en France, c’est ignorer la pluralité des facteurs socio-économiques, culturels et politiques qui influent sur la démographie d’un pays. En réalité, le nombre d’IVG ne représente qu’un seul et faible aspect de cette complexité démographique.

D’ailleurs, selon la DREES, le nombre d’IVG en France est stable depuis le milieu des années 2000 et mesuré par rapport à l’évolution de la population générale (entre 27 et 32 avortements pour 100 naissances).

Au lieu de se concentrer sur l’IVG, il vaudrait mieux tenter de comprendre les causes profondes de la baisse de fécondité en France : coût de la vie, conditions climatiques, charge mentale associée à la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, violences physiques et sexuelles, etc.

8. Les personnes qui ont recours à l’IVG regrettent forcément leur choix

Les militants anti-avortement tentent de dissuader les personnes de recourir à l’IVG en semant le doute et en induisant un sentiment de culpabilité. Cet argument s’appuie sur une croyance patriarcale selon laquelle les « femmes » possèdent une inclination naturelle à vouloir devenir mères et à prendre soin de leurs enfants.

En vérité, le désir de maternité ne se résume pas uniquement à des facteurs biologiques, mais plutôt à une combinaison complexe de constructions sociales et individuelles. Nous sommes d’ailleurs de plus en plus à nous revendiquer childfree (personne qui ne désire pas enfanter).

Considérer l’avortement comme étant « contre-nature » puisqu’il empêcherait les femmes d’accomplir leur « devoir » de reproduction est une vision très réductrice et simpliste. De ce fait, affirmer que les personnes qui ont recours à une IVG vont automatiquement regretter leur choix est totalement infondé.

Selon une étude américaine publiée en 2020*, 99% des femmes qui avaient choisi d’avorter estimaient au bout de cinq ans que c’était la bonne décision à prendre. Si certaines ont ressenti de la tristesse ou de la culpabilité juste après leur avortement, ces sentiments se sont majoritairement dissipés dès la première année.

De plus, cette étude, comme de nombreuses autres avant elle, ont révélé que le sentiment de culpabilité (lorsque la personne n’a pas été contrainte à avorter) était fortement lié à la stigmatisation de l’avortement plutôt qu’à l’acte en lui-même.

*Emotions and decision rightness over five years following an abortion: An examination of decision difficulty and abortion stigma. Corinne H Rocca, Goleen Samari, Diana G Foster, Heather Gould, Katrina Kimport. Social Science & Medicine, March 2020.

Regret post-IVG vs regret maternel

En outre, il est important de noter que de plus en plus d’études mettent en lumière que le regret maternel/parental est bien plus répandu que le regret d’avorter. Cette constatation met en évidence les défis et les pressions associés à la maternité non désirée.

Il est pour le moment très difficile d’avoir des chiffres précis sur le regret maternel/parental tant ce sujet est tabou dans notre société. Mais, d’après les récentes études*, environ 10% des personnes interrogées regretteraient d’être devenus parents. Il est important de souligner le regret parental ne remet pas en cause l’amour que l’on porte à ses enfants. Il s’agit simplement d’un sentiment de regret associé à l’expérience de la parentalité.

*Regretting Motherhood : A Sociopolitical Analysis (2015) de la sociologue Orna Donath / Piotrowski K (2021) How many parents regret having children and how it is linked to their personality and health: Two studies with national samples in Poland. / Les Européens regrettent-ils d’avoir des enfants ? Étude Omnibus (2022) Institut de sondage en ligne YouGov.

9. Les femmes sont irresponsables

Les stéréotypes de genre traditionnels perpétués par le patriarcat ont souvent dépeint les femmes comme étant plus fragiles et sensibles que les hommes et donc plus aptes à s’occuper des besoins émotionnels et relationnels des enfants. Depuis des siècles, notre société, empreinte de ce patriarcat, assigne les femmes au rôle restreint de mère et utilise leur prétendue incapacité à gérer les émotions pour contrôler leur corps et ainsi limiter leur indépendance.

Celles qui remettent en question ce contrôle et qui défient ces attentes, notamment en choisissant de ne pas poursuivre une grossesse, peuvent alors être perçues comme irresponsables car elles ne se conforment pas à ces normes de genre. Pourtant, élever un enfant est une responsabilité majeure qui demande des ressources matérielles, émotionnelles et temporelles importantes.

Penser qu’une personne est assez responsable pour élever un enfant mais pas assez pour prendre une décision aussi importante que celle d’avorter est complètement absurde. Cette idée est non seulement contradictoire, mais elle sous-estime également la capacité des femmes à prendre des décisions autonomes et réfléchies concernant leur propre vie et leur propre corps.

10. Plein d’associations proposent des aides financières pour élever un enfant

En 2014, selon les estimations d’Antoine Math*, chercheur à l’IRES, le coût moyen annuel pour élever un enfant (de 0 à 20 ans) s’élevait à environ 30 000 euros.

De ce montant, 40% étaient attribués au travail domestique non rémunéré effectué par la famille (préparation des repas, nettoyage de la maison, etc.). Les dépenses directes des parents, telles que l’achat de nourriture, de vêtements, de jouets, de fournitures scolaires et les frais de garde, représentaient quant à elles 23% de ce coût. Enfin, 38% du montant total se présentaient sous forme de dépenses publiques couvrant des services tels que l’éducation publique, les soins de santé subventionnés et les allocations familiales.

*Math, A. (2014). Coût des enfants et politiques publiques: Quelques enseignements d’une évaluation des dépenses consacrées par la société aux enfantsLa Revue de l’Ires

Cette étude a été réalisée il y a près de 10 ans et vu le contexte économique français actuel, on peut tout à fait suggérer que ce coût est aujourd’hui plus élevé. En effet, depuis plusieurs années, la France subit l’inflation de plein fouet et les dépenses liées au loyer, à l’alimentation (le plus gros pôle de dépenses pour les enfants), à l’électricité ou encore à l’essence ne font qu’augmenter. Étant donné que les revenus des ménages ne suivent pas, cela crée un véritable déséquilibre.

Ce qu’il faut retenir, c’est qu’un enfant représente une charge financière conséquente pour les familles et encore plus pour les familles monoparentales. Des aides existent, c’est vrai, mais elles ne couvrent généralement pas suffisamment les frais associés à l’éducation et à l’épanouissement d’un enfant dans le contexte actuel. Les familles peuvent alors se retrouver confrontées à des choix difficiles comme sacrifier d’autres besoins essentiels pour répondre à ceux de leur enfant.

Tant qu’il n’y aura pas de véritable changement dans les politiques économiques et sociales visant à réduire les inégalités et à soutenir les familles, il est important que l’avortement reste une option disponible pour les personnes qui ne peuvent pas subvenir aux besoins d’un enfant.

11. Il vaut mieux privilégier l’adoption plutôt que d’avorter

Pour les personnes qui ne se sentent pas prêtes ou capables d’assumer la responsabilité d’un enfant, poursuivre une grossesse non désirée peut avoir un impact néfaste sur leur qualité de vie, leur bien-être et leur capacité à atteindre leurs objectifs personnels et professionnels.

Une grossesse non voulue menée à terme peut en effet entraîner ou accentuer des problèmes sociaux et économiques, de l’anxiété, de la dépression, une hypertension artérielle et bien d’autres problèmes de santé mentale et physique qui peuvent persister après la naissance de l’enfant, que celui-ci soit placé à l’adoption ou non.

Et du côté de l’enfant, les conséquences ne sont pas joyeuses non plus.

D’après plusieurs études*, une grossesse non désirée, qui n’a pas été planifiée mais qui est finalement acceptée, conduit à un risque faible mais pas inexistant, de problèmes émotionnels et comportementaux chez l’enfant. Et ce risque augmente considérablement dans le cas d’une grossesse non désirée menée à terme contre la volonté de la personne qui porte l’enfant (refus de l’avortement en raison de contraintes temporelles, personnelles, religieuses ou légales).

*Institute of Medicine. 1995. The Best Intentions: Unintended Pregnancy and the Well-Being of Children and Families.

Dans le pire des cas, les personnes ayant mené une grossesse non désirée à terme, en particulier sous la contrainte (structurelle ou personnelle), peuvent devenir une menace pour l’enfant. En effet, le sentiment de désespoir, les troubles mentaux causés par la grossesse et l’accouchement et/ou le manque de soutien social et familial sont des facteurs qui augmentent le risque de mise en danger de l’enfant pendant la grossesse et après la naissance (malnutrition, mauvais traitements et défaut de soins, mort).

Julie Ancian a mené une enquête sociologique pendant six ans sur les raisons qui poussent les femmes à commettre un néonaticide. Les résultats ont révélé que ces néonaticides étaient liés à un ensemble de difficultés à faire face à une grossesse non désirée (problèmes socio-économiques, manque de soutien social, absence d’éduction à la contraception et à l’IVG, etc.). Ancian J. Les violences inaudibles. Récits d’infanticides. Paris: Seuil; 2022

En ce qui concerne l’adoption, les effets sur la santé mentale et le développement des enfants ont été largement étudiés. Les recherches* ont révélé que les enfants adoptés (en particulier quand le placement est tardif) peuvent être confrontés (à des degrés différents) à des difficultés qui peuvent compromettre leur bien-être psychologique : problèmes d’attachement, troubles de comportement, stress post-traumatique, dépression, faible estime de soi, etc.

*Brodzinsky D., Gunnar M., Palacios J. (2022). Adoption and trauma: risks, recovery, and the lived experience of adoption. Child Abuse Negl.

Mener une grossesse non désirée à terme et prendre la décision de garder ou de placer l’enfant peut avoir des répercussions négatives. En ce sens, plutôt que de restreindre les options, il est impératif d’offrir un soutien complet, ce qui inclut l’accès à des services d’avortement sûrs et légaux.

12. Des hommes se suicident car leur partenaire a avorté

Il n’existe à ce jour ni données ni études fiables qui prouvent un lien quelconque entre le suicide des hommes et un avortement de leur partenaire. Les études évoquées par les militants anti-avortement ne prennent pas en compte les problèmes de santé mentale préexistants alors que les causes d’un suicide sont complexes et peuvent être multifactorielles (difficultés relationnelles, événements traumatiques, stress psychosociaux, etc.).

Selon l’enquête COCON, dans 90% des cas d’IVG le partenaire est informé de cette décision et lorsque la relation affective est stable 79% sont d’accord avec cette décision.

De plus, une récente étude américaine* a montré que le risque de suicide chez les femmes en âge de procréer augmentait considérablement lorsque l’accès à l’IVG était restreint. Cette étude réalisée aux États-Unis entre 1974 et 2016 révèle que la loi américiane TRAP (Targeted Regulation of Abortion Providers) était associée à un taux annuel de suicide 5.81% plus élevé que dans les années précédent son application.

*Zandberg J, Waller R, Visoki E, Barzilay R. Association Between State-Level Access to Reproductive Care and Suicide Rates Among Women of Reproductive Age in the United StatesJAMA Psychiatry. 2023

Bien que ces données nécessitent une prudence particulière et qu’il soit nécessaire de mener davantage de recherches pour confirmer cette causalité, il est évident que le manque d’accès à un avortement sécurisé a un impact négatif plus important sur les femmes que l’avortement de leur partenaire n’en a sur les hommes.

13. Le serment d’Hippocrate interdit l’avortement

Le serment d’Hippocrate est un serment solennel prêté par les médecins au moment de leur entrée dans la profession médicale. Ce serment tire son nom du célèbre médecin grec Hippocrate, considéré comme le père de la médecine occidentale. Dépourvu de valeur juridique, ce texte fait office de code moral pour les professionnels de santé.

Dans la version traditionnelle de ce serment, on retrouve un passage sur l’avortement sujet à la controverse : « Je ne remettrai à personne, même sur sa demande, une drogue mortelle, ni ne prendrai l’initiative d’une telle suggestion. De même, je ne remettrai pas non plus à une femme de pessaire abortif. » Texte de J.-L. Heiberg, 1927, Hippocratis Opera, Corpus Medicorum Graecorum, I, 1, Berlin-Leipzig, Teubner, in Ducatillon 2001. Traduction in Jouanna et Magdelaine 1999 : 69-71.

Ce passage a donné lieu à diverses interprétations, parmi lesquelles la condamnation totale de l’avortement a été largement retenue par les militants anti-avortement Or, plusieurs travaux de recherche* ont montré qu’en considérant le contexte de l’époque (non condamnation de l’infanticide, pratique courante de l’avortement, etc.), cette théorie ne tenait pas la route.

Il est important de noter que depuis l’Antiquité, le serment d’Hippocrate a subi de nombreuses modifications au fil du temps. En France, le texte a été revu pour la dernière fois par l’Ordre des médecins en 2012 et on ne retrouve plus aucune mention de l’IVG dans celui-ci.

*Lydie Bodiou, Le Serment d’Hippocrate et les femmes grecques, 2005. / Ducatillon Jeanne. Le serment d’Hippocrate, problèmes et interprétations. In: Bulletin de l’Association Guillaume Budé, n°1, mars 2001. pp. 34-61 / Goffette, Jérôme. (1994). Quel sens accorder à la condamnation de l’avortement dans le Serment d’Hippocrate ?. Ethique. 86-95.


Comme le rappelle le récent rapport de La Fondation des femmes « les discours anti avortement s’appuient essentiellement sur des chiffres non officiels ou décontextualisés« .

Alors, pour contrer efficacement ces discours empreints de stigmatisation, de mésinformation et d’idéologies moralisatrices, ils nous faut diffuser au maximum des informations factuelles et sourcées. C’est ce que j’ai tenté de faire avec cet article, qui j’espère apportera de la clarté et enrichira notre compréhension afin que nous puissions lutter au mieux pour nos droits !

Sources complémentaires


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